Qu'est-ce qu'on mange au lac de Constance ? pte.2
Histoires d’écologie du lac de Constance II.2
Der Bodensee, ein Flechensee?1
Bon, alors c’est la crise, y a plus de lavarets dans le lac de Constance !
Pour comprendre ce qu’il se passe actuellement, il faut encore une fois regarder vers le passé et observer les dynamiques des évolutions à long terme.
Lavaret du lac de Constance, C. wartmanni, Blaufelchen (all.)
(source : LAZWB)
Fiche d'identité du lavaret du lac de Constance
catégorisation. Fait partie de la “super-espèce” Coregonus lavaretus (lat.), Felchen (allemand)
3 (sous-)espèces : wartmanni (Blaufelchen), macrophtalmus (Gangfisch), arenicolus (Sandfelchen)
1 espèce éteinte : gutturosus (Kilch) qui a succombé à l’eutrophisation du lac vers 1970biologie. Lacustre, pélagique (qui vit au large, dans les eaux profondes), généralement à 0-40 m pendant l’été.
Se nourrit de plancton et d’insectes, des alevins de la perche en été.
Remonte en surface pour se reproduire. Se reproduit pour la première fois à 2-3 ans et dans la première moitié de décembre, lorsque la température descend en dessous de 7˚C. Les mâles s’agrègent à la surface et les femelles prêtes à frayer viennent des eaux plus profondes pour rejoindre ces agrégations. Les œufs tombent au fond et éclosent en mars. Les larves remontent à la surface et commencent à se nourrir après 8 jours.
Comme abordé dans la première partie de ces histoires d’écologie, le lac de Constance a été le sujet d’un épisode d’eutrophisation dans la deuxième moitié du siècle dernier. C’était loin d’être un cas à part : on balance nos eaux usées dans les lacs, les mers et les cours d’eau depuis des siècles, ça a juste pris des proportions massives après la seconde guerre mondiale. Il s’en est sorti ré-oligotrophié notre Bodensee, mais les effets sur l’écosystème sont en fait bien plus complexes que la seule extinction d’une espèce de lavaret (voir I).
Les dégradations d’écosystèmes ne commencent généralement à nous poser problème que lorsque celles-ci ont un impact économique. Et les données qu’on enregistre reflètent ce biais. Autour de la période d’eutrophisation du lac de Constance, on a accès aux rendements de pêche de chaque année depuis au moins 1910 (voir graphique ci-dessous). Mais on connaît moins le destin d’espèces qui ne sont pas économiquement intéressantes.
Évolution des rendements de poisson dans la partie supérieure du lac de Constance
(adapté de Baer et al. (2017) avec les données supplémentaires de l'IBKF (2022))
Les barres du graphique montrent l’évolution du rendement de pêche de la partie supérieure du lac de Constance — c’est surtout là qu’on trouve nos poissons pélagiques. Les barres bleues nous intéressent particulièrement, puisqu’il s’agit de la quantité de lavaret pêché. En parallèle, y est représentée (en jaune-orange) l’évolution du taux de phosphore mesuré dans le lac, dont on observe un pic, correspondant à la période d’eutrophisation. Et enfin, on y voit le nombre maximal de licences de pêche délivrées par an, qui décroît depuis 1934. Lorsqu’on s’intéresse à l’évolution globale des rendements, on observe un pic (ou plutôt une petite colline) au même moment que le pic de phosphore, mais plus large. Si on regarde plus particulièrement celui du lavaret, c’est un peu moins clair. Après une augmentation vers la fin des années 1950, le rendement s’effondre et est instable avec des successions d’années de rendement faible ou très élevé, et ce jusqu’à la fin des années 1990, lorsqu’il semble se stabiliser et décroître jusqu’à aujourd’hui.
Alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ? L’eutrophisation c’est censé être mauvais, mais ça a décuplé les rendements de pêche ?
Pour comprendre, il est utile de considérer les différentes phases du processus d’eutrophisation dans l’ordre. D’abord, la phase I de 1910 à 1950, lors de laquelle le lac est oligotrophe (peu de nutriments et peu d’algues) : les rendements sont relativement bas (en dessous de 300 t en moyenne), mais assez stables. Lors da la phase II, les taux de phosphore augmentent et font basculer le lac vers un état mésotrophe : il y a un peu plus de nutriments pour nourir le phytoplancton (algues microscopiques), le phytoplancton prolifère, et est mangé par des petits crustacés (le zooplancton), qui prolifèrent eux aussi. Et il s’avère que les petits crustacés sont la source de nourriture privilégiée du lavaret : celui-ci a plus à manger, les individus grandissent plus vite, deviennent plus gros et la population plus importante. Il est à noter, que pendant cette phase II, les techniques de pêche évoluent elles aussi (voir II.1). Elles deviennent plus efficaces — et l’augmentation du rendement est partiellement liée à ça2 — et elles deviennent aussi plus sélectives sur la taille… et c’est là que ça coince. Car les jeunes lavarets d’un an (qu’on ne pêche pas normalement, pour leur laisser le temps de se reproduire), ont d’un coup pris 10 cm tellement ils ont à manger et se prennent dans les mailles des filets qui ont été calibrées pour des individus moins gros 3. C’est assez vite remarqué et un moratoire sur la pêche du lavaret est introduit et les mailles révisées en 1964 afin de ne pas épuiser les populations. En attendant, le phosphore continue d’augmenter et le lac passe à la phase III : la phase eutrophe. Là, c’est un peu moins funky : la mortalité des œufs des lavarets (qui se développent en profondeur et n’ont plus assez d’oxygène — voir I) bondit, et la pression exercée par la pêche est toujours importante. Les rendements sont très fluctuants.
Une petite pause dans cette progression historique s’impose pour un élément de contexte important. Depuis la fin du XIXe siècle, les populations de poisson important économiquement sont artificiellement supplémentées par des alevinières (ou écloseries de poissons), des structures qui incubent les œufs et les jeunes alevins (les larves de poissons) avant de les relâcher dans le lac. On appelle ce processus réempoissonnement. On estime que plus de 80% 4 (!) des lavarets actuellement présents dans le lac sont issus d’une des alevinières installées autour du lac. Cette pratique fut salutaire pour les populations de corégones : les taux d’oxygène dans le fond du lac étaient tellement bas, que la mortalité des œufs a atteint les 100% à plusieurs reprises (voir graphique plus bas). Si elles ont survécu à la phase eutrophe, ce n’est sans doute que grâce au réempoissonnement annuel, qui a permis eaux œufs de se développer pépouze dans des incubateurs aux conditions optimales, loin des eaux hypoxiques du lac. Le Kilch s’est justement éteint à cette période, faute de réempoissonnement pour son espèce. Mais, autant, ces techniques sont utiles pour pérenniser la pêche à court terme, leur emploi à long terme pose question : comment impacte-t-on l’évolution d’une population en permettant le développement d’œufs qui ne se seraient peut-être pas développés dans leur milieu naturel ? Cette population saura-t-elle s’adapter à des changements de son écosystème sans l’intervention humaine ? On ne sait pas.
Évolution de la concentration d'oxygène (ronds) au fond du lac de Constance et mortalité des oeufs de lavarets (barres foncées)
(issu de Wahl et Löffler)
De retour à nos rendements. La phase eutrophe n’était donc pas fifou pour la pêche du lavaret. L’omble du lac de Constance (Salvelinus profundus qui, comme sont nom l’indique vit, lui aussi, en profondeur) — un poisson rare, mais cher — disparut totalement des filets. En revanche, la pêche à la perche était devenue plus profitable : la perche étant un peu moins spécifique en termes de conditions d’habitat et pondant ses œufs près des berges, n’était pas trop impactée par le manque d’oxygène et avait plein à manger (de zooplancton, toujours). Mais, paraît que le filet de perche n’était pas de très bonne qualité à cette époque, et qu’elle était pleine de parasites… miam 5. Une fois la phase eutrophe passée, on repasse en mésotrophe de 1991 à 2006. Les rendements subissent un léger rebond, sont assez stables et plutôt élevés, comparé à ce qu’on a pu connaître en début de siècle. Comme pour la première phase mésotrophe, cela s’explique par une certaine abondance de nourriture et une réduction de la mortalité des œufs grâce à des taux d’oxygène repartis à la hausse dans le fond du lac. Mais depuis que le lac est de nouveau oligotrophe (vers 2007), les rendements semblent décroître toujours et être même en moyenne plus bas que lors de la première phase oligotrophe du début de siècle dernier.
Alors donc c’est vrai que le lac est devenu “trop propre”, c’est-à-dire qu’il y a pas assez de plancton à manger pour le lavaret ?
S’il ne s’agissait que de l’influence du taux de phosphore, et qu’il est revenu à son taux de pré-eutrophisation (comme on le constate sur le graphique), on s’attendrait à avoir le même rendement de pêche au moins que pendant la période 1910 à 1950, d’autant que le réempoissonnement a toujours lieu : chaque année des centaines de millions d’alevins sont relâchés dans le lac.
Alors, quelles pourraient être les autres raisons pour ce déclin de lavarets pêchés ? Certains pointent du doigt le cormoran6. Le pauvre oiseau est, depuis des siècles, considéré comme le concurrent direct du pêcheur pour la ressource poisson. Il a été pourchassé en Europe presque jusqu’à extinction au début du siècle dernier. Sa population a repris du poil de la bête grâce, entre autres, à des mesures de protection, l’interdiction du DDT (composé de synthèse toxique, reprotoxique et cancérogène, ayant été utilisé pour ses propriétés insecticides), et grâce à tiens-tiens… l’eutrophisation des lacs et cours d’eau, qui favorise la présence de petits cyprinidés, une bonne source de nourriture pour le cormoran 7. Comme les populations de cormorans s’étendent, ça inquiète : il faut absolument trouver un moyen de “gérer” cette croissance. Mais, espèce protégée oblige, on ne la chasse plus, non. On la “régule” en fonction des problématiques locales : au total, près de 80 000 cormorans sont abattus chaque année en Europe, souvent parce qu’ils gênent les pêcheurs ou les pisciculteurs (en même temps, ils fabriquent des garde-mangers à ciel ouvert, ceux-là).
Je ne trancherai pas la “problématique cormoran” dans l’absolu, mais m’intéresserai simplement à son cas sur le lac de Constance. Malgré la réoligotrophisation du lac, on voit augmenter le nombre d’individus de passage (moins de 3500 en 2022, ça reste raisonnable) ainsi que de couples installés en colonies (800 couples en 2022). Les premières colonies ne s’étant formées qu’en 1997, cette évolution relativement rapide inquiète : le cormoran ayant besoin de près d’un demi kilo de poisson par jour, si on multiplie cette quantité par le nombre de cormorans et par le nombre de jours qu’ils sont présents autour du lac, on obtient grosso modo 300 tonnes de poiscaille mangées par les cormorans annuellement8. Et c’est rapidement raccourci en manque à gagner pour les pêcheurs : voilà, le cormoran nous bouffe les 300 tonnes de poissons qu’on est censés pêcher chaque année ! Sauf que ! Est-ce que le cormoran mange exclusivement les poissons que nous pêchons ?
Le cormoran et la perche
(Rob Zweers, CC BY 2.0)
Le cormoran est un pêcheur opportuniste. Il chope ce qui lui tombe sous le bec : des poissons plutôt petits, en surface, près des berges. Si on regarde un peu plus en détail, il y a bien une étude qui s’intéresse au contenu de l’estomac de cormorans abattus sur le lac de Constance 9, mais elle date d’il y a presque 10 ans, et depuis, la communauté de poissons a sans doute bien changé. De cette étude ressort, qu’en automne/hiver de 2011 à 2013 (l’oiseau ne peut être abattu qu’à cette saison), les cormorans avaient mangé de la tanche (47%), du brochet (24%), de la perche (7%) et du lavaret (7%) pour les plus abondants en masse 10. Ces résultats sont à relativiser dans la mesure où la composition du régime alimentaire du cormoran variait grandement entre automne et hiver, d’année en année et par rapport à de précédentes études (mais genre rien à voir). Il est probable que la réponse à la question “que mange le cormoran ?” soit très dépendante de l’endroit et de l’époque : il mange ce qu’il a sous la patte, ce qu’il y a de plus abondant. ll subsiste donc beaucoup de — si ce n’est que des — incertitudes. Notamment par rapport à l’ombre commun, un petit poisson protégé, dont la population décroît dans le lac depuis des années (depuis bien avant l’arrivée du cormoran). Il se reproduit au printemps et serait une proie facile pour le cormoran en cette saison. Et les études du centre de pêche et d’agriculture régional préconisent l’abattage du cormoran justement en prenant le petit ombre comme prétexte écologique, alors qu’en fait, on n’en sait rien.
Ok, mais si on met le cormoran de côté, pourquoi est-ce qu’il n’y a plus de lavarets dans le lac ?!
Il semblerait que c’est bien du côté du manque de nourriture qu’il faille regarder. Mais plus particulièrement du côté des concurrents du lavaret pour sa source de nourriture.
Il y a d’abord la petite épinoche à trois épines, un poisson sans doute introduit par des aquariophiles suisses qui ne voulaient plus de leur animal de compagnie, à la fin du 19ᵉ siècle 11. Récemment, il a pris ses aises dans le lac (bien que ça fluctue) et a commencé à être considéré comme espèce invasive (c’est ce qu’on dit quand une espèce n’est “pas de chez nous” et commence à prendre trop de place à notre goût). C’est vrai qu’il représente plus de 90% des individus pêchés dans le lac supérieur (et 30% de la biomasse totale, car il est petit, ne mesurant en moyenne que 8cm), alors qu’il y a encore quelques années, cette partie était dominée par le lavaret. Et l’épinoche se nourrit de la même chose que le lavaret. Ainsi, c’est bien la disette pour le lavaret, mais parce qu’il a un concurrent en grand nombre. 12
La moule quagga (fév. 2023)
Pour en rajouter une couche, il y a un autre petit animal qui semble avoir un effet considérable sur l’écosystème du lac, c’est la moule quagga 13. Celle-ci est apparue soudainement en 2016, sans doute importée par des bateaux de plaisance de la région de la mer Caspienne. Elle a colonisé la totalité des substrats disponibles du lac (y compris le sable des profondeurs) et a, au passage, détrôné une autre moule, qui déjà en son temps avait été considérée comme invasive, la moule zébrée. Bon ben au moins son sort à cette dernière est réglé : on ne la trouve quasiment plus. Les moules sont des animaux filtreurs : elles mangent le phytoplancton en filtrant l’eau autour d’elles. Et la moule quagga est sacrément efficace, les eaux du lac sont devenues limpides par endroits. Et elle a des précédents, la moule quagga : elle a fortement perturbé les écosystèmes des grands lacs aux États-Unis, et indirectement vidé le lake Michigan de ses poissons. Car s’il y a moins de phytoplancton ➞ moins de zooplancton ➞ moins à manger pour le lavaret.
Les eaux translucides du lac laissent apparaître la barbe du vodianoï (fév. 2023)
Bref, c’est pas jojo pour le lavaret en ce moment. Mais ce n’est certainement pas le cormoran qui en est responsable. Mais on ne l’aime pas beaucoup, cet oiseau, et on en fait un coupable parfait. Regardez comment il corrode nos beaux arbres, en les noyant sous ses fientes lorsqu’il y installe ses colonies. Écoutez tout le boucan qu’il fait. Le cas du cormoran cristallise en fait des problèmes économiques et sociaux (la situation des pêcheurs) qui s’insèrent dans des dynamiques écologiques complexes et globales.
Car comme tout écosystème, le lac de Constance est un système dynamique en évolution constante : il n’a pas d’état originel vers lequel il pourrait retourner. Sous notre influence il se transforme encore plus et plus vite. Les pressions qu’on exerce et que je n’ai pas évoquées sont importantes et multiples : la région accueille annuellement des dizaines de millions de touristes, les bateaux de plaisance se multiplient (plus de 60 000 en 2019, dont 22 500 à moteur — la comparaison n’est pas pertinente, mais ça fait 7 fois plus que de cormorans !), presque la moitié des berges, qui sont les crèches de nombreuses espèces de poisson, sont fortement artificialisées et/ou très fréquentées à la belle saison, il y a aussi la pollution au micro plastique, le réchauffement climatique, etc.
Vu que l’écosystème du lac est déjà aussi lourdement modifié, pourquoi ne pas relever un peu le taux de phosphore autorisé dans le lac pour booster un peu la production primaire14 afin que les lavarets aient plus à manger ? Certains estiment que c’est en effet seule solution pour que la pêche professionnelle continue à exister sur le lac de Constance. L’autre option étant la pisciculture, mais les pêcheurs ainsi que les organisations de protection de l’environnement s’y opposent farouchement. Changer ou non les régulations sur le taux de phosphore dans le lac sera, in fine sans doute tranché pour des raisons économiques plus qu’écologiques : veut-on privilégier les millions de touristes qui attendent des eaux limpides et à qui on peut faire manger du poisson importé ou veut-on sauvegarder la profession de pêcheur sur le lac ? D’un point de vue écologique, dans une mer d’incertitudes, je ne peux que formuler des hypothèses sur ce que pourrait entraîner une augmentation de phosphore déversé dans le lac : avec le réchauffement climatique, la quantité d’oxygène dans les profondeurs du lac risquerait de chuter s’il y a trop de phytoplancton en surface (voir I) ce qui anéantirait totalement ce qui reste du cycle de vie naturel (non-assisté par l’homme) du lavaret. Et si ce phytoplancton est consommé par les poissons pélagiques au large, il pourrait quand même s’accumuler autour des berges — à moins d’être totalement filtré par la moule quagga — ce qui ferait proliférer les petits cyprinidés et attirerait le cormoran…
Ce qu’illustre cet exemple du lac de Constance (et qui n’est aucunement un cas à part, le lac du Bourget est “trop propre” lui aussi), c’est une volonté de gestion, de management et de contrôle des écosystèmes avec une certaine fuite en avant énergétique. Les services que nous rendent les écosystèmes sont de plus en plus assistés (la régulation du cycle du phosphore, la reproduction du lavaret, la gestion du cormoran,..). Mais ce faisant, on refuse tout un tas de choses dont on pourrait bénéficier gratuitement et sans dépenser une goutte de pétrole si on comprenait vraiment l’écosystème et la direction de son évolution, qu’on pourrait alors accompagner au lieu de toujours vouloir la freiner et voir chaque changement, chaque nouvel arrivant comme un potentiel nuisible.
Partie du réseau trophique du lac de Constance (simplifié)
Car il n’y a pas que des mauvaises nouvelles ! La moule quagga qui se fait si fréquente est devenue une source de nourriture pour le lavaret, mais seuls les individus assez grands pour la manger la consomment 15, alors on pourrait penser à adapter les mailles de pêche en fonction. De nombreux oiseaux migrateurs comme le fuligule morillon ou le fuligule milouin, passent l’hiver sur le lac en pêchant la moule zébrée 16 et semblent s’être adaptés à sa concurrente, la quagga. L’épinoche elle, est mangée par le cormoran. Grâce à la réoligotrophisation du lac, les gènes que l’espèce de lavaret wartmanni a récupéré du feu gutturosus (voir I) semblent aujourd’hui lui permettre de s’adapter à la niche écologique (les grandes profondeurs) que le défunt avait abandonnée faute d’oxygène 17. Et enfin, on a même assisté à la réapparition d’une autre espèce de poisson qu’on pensait s’être éteinte avec guttorosus : le Salvelinus profundus.
Salvelinus profundus, par Vogt et Hofer, 1908 - 1909 (source image)
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“Le lac de Constance, un lac à lavarets ?” (allemand) ↩
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B. Wahl & H. Löffler. Influences on the natural reproduction of whitefish (Coregonus lavaretus) in Lake Constance. 2009. ↩
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G. Thomas & R. Eckmann. The influence of eutrophication and population biomass on common whitefish (Coregonus lavaretus) growth — the Lake Constance example revisited. 2007. ↩
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R.E. Kmann. Massive stocking with hatchery larvae may constrain natural recruitment of whitefish stocks and induce unwanted evolutionary changes. 2012. ↩
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J.Baer et al. Managing Upper Lake Constance fishery in a multi-sector policy landscape: Beneficiary and victim of a century of anthropogenic trophic change. Chap. 3 de Inter-sectoral governance of inland fisheries. 2017. ↩ ↩
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Phalacrocorax carbo sinensis, “sinensis” étant la sous-espèce continentale du cormoran. Fun-fact étymologique : “cormoran” vient de l’ancien français “corp mareng”, autrement dit “corbeau marin”. ↩
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P. Klimaszyk & P. Rzymski. The complexity of ecological impacts induced by great cormorants. 2016. ↩
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Etudes sur l’évolution du cormoran dans la région du lac de Constance. La plus récente, mais je lui fais moyen confiance en termes de préconisations : Pré-étude du centre pour l’agriculture, l’élevage et la pêche de Bade-Wurtemberg (2021) (nombre d’individus et de colonies pp. 71-72 ; quantité de poisson mangée/an p. 88 ; nombre de cormorans abattus p. 95). Un peu plus nuancée : Étude de la commission internationale pour la pêche du lac de Constance (2017) ↩
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J. Gaye-Siessegger. The great Cormorant (Phalacrocorax carbo) at lower lake Constance/Germany: dietary composition and impact on commercial fisheries. 2014. ↩
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Les rendements de pêche en lavaret les années de l’étude, c’est à dire 2011, 2012 et 2013 étaient respectivement d’environ 600 t, 300 t et 300 t. À cette période, on estime à 160 t/an la quantité de poisson mangé par les cormorans. La proportion de lavaret dans le régime du cormoran étant de 7% x 160 t la quantité de ce qu’il mange = 11,2 t de lavaret mangé. Soit moins de 4% des rendements des mauvaises années. ↩
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C. Hudson et al.Threespine Stickleback in Lake Constance: The Ecology and Genomic Substrate of a Recent Invasion. 2020. ↩
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Rösch et al. Impact of the invasive three-spined stickleback (Gasterosteus aculeatus) on relative abundance and growth of native pelagic whitefish (Coregonus wartmanni) in Upper Lake Constance. 2017. ↩
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Nommée d’après le quagga, une sous-espèce de zèbre d’Afrique du Sud, qui avait des rayures que sur la moitié de son corps. (Ironiquement ?) le quagga n’existe plus. ↩
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l’activité photosynthétique (c.à.d. la quantité d’algues dans le lac) ↩
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J. Baer et al. Size matters? Species- and size-specific fish predation on recently established invasive quagga mussels Dreissena rostriformis bugensis Andrusov 1897 in a large, deep oligotrophic lake. 2022. ↩
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S. Werner et al. Strong impact of wintering waterbirds on zebra mussel (Dreissena polymorpha) populations at Lake Constance, Germany. 2005. ↩
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D. Frei et al. Introgression from extinct species facilitates adaptation to its vacated niche. 2022. ↩